Garry Kasparov connaît bien son adversaire pour l’avoir battu un an plus tôt. Le Russe arrive donc confiant, ce 11 mai 1997 à New- York (USA), et annonce même devant les journalistes que « l’ordinateur ne sera jamais plus fort que l’homme ». Kasparov est invaincu depuis douze ans et Deep Blue, dans sa nouvelle version, a vu sa puissance de calcul multipliée par deux. Face à "l’Ogre de Bakou", 34 ans, la machine pèse 1,4 tonne et peut calculer 200 millions de positions potentielles par seconde ; de quoi prévoir jusqu’à 40 coups à venir ! Et si le calculateur décide des coups à jouer, c’est un ingénieur d’IBM qui actionne les pièces sur l’échiquier.

LE COMBAT DU FUTUR

Ce duel est regardé par le monde entier ; c’est le grand combat du futur, celui de l’Homme contre la machine... Six parties pour désigner un vainqueur, cerveau humain ou calculateur. Devant des caméras venues filmer le spectacle, Kasparov s’incline au bout de six parties, sur le score final de 3,5 points à 2,5. Main droite sous le menton, regard dans le vide, Kasparov fixe une dernière fois l’échiquier, puis il quitte la table, humilié… C’est un tournant historique dans le monde des échecs mais aussi une étape majeure dans le milieu encore jeune de l’intelligence artificielle.

UNE MACHINE PAS SI PARFAITE

En réalité, ce n’est pas sa supériorité qui va faire gagner Deep Blue, mais bien une faiblesse. L’ordinateur a joué un coup que Kasparov n’a pas compris. Déstabilisé, le Russe n’a alors plus joué pour gagner mais a usé son énergie pour tester "l’intelligence" de la machine. En 2012, un statisticien américain expliquera que ce coup inexplicable est venu d’un "bug" de la machine. Sur les centaines de millions de combinaisons calculées, Deep Blue ne serait pas parvenue à choisir son déplacement et aurait sacrifié un pion au hasard. Cette simple "erreur" lui fait gagner un ascendant psychologique sur son adversaire humain, causant sa défaite.

PHOTO : ©Leo Medvedev

Article paru dans Sporteen N°25 (Décembre 2024 - Janvier 2025)